La Liquidation du Régime de la Communauté : Enjeux, Procédures et Conséquences Juridiques

La liquidation du régime matrimonial de la communauté constitue une étape déterminante lors de la dissolution du mariage, que ce soit par divorce ou par décès d’un époux. Cette opération complexe vise à déterminer la composition du patrimoine commun, à répartir les biens entre les époux ou leurs ayants droit, et à procéder aux opérations comptables nécessaires. Ce processus implique une connaissance approfondie des règles juridiques applicables et peut soulever des difficultés pratiques considérables. Face aux enjeux patrimoniaux majeurs qu’elle représente, la liquidation mérite une attention particulière tant de la part des praticiens du droit que des époux concernés.

Les Fondements Juridiques de la Liquidation du Régime Communautaire

Le régime matrimonial de la communauté de biens est encadré par les articles 1400 à 1491 du Code civil. Ce régime, applicable par défaut aux couples mariés sans contrat de mariage depuis 1966, repose sur l’existence de trois masses de biens : les biens communs, les biens propres du mari et les biens propres de la femme. La liquidation intervient nécessairement lors de la dissolution du régime matrimonial, laquelle peut résulter du divorce, du décès d’un époux, de la séparation de corps, du changement conventionnel de régime matrimonial ou encore de la séparation judiciaire de biens.

Le processus de liquidation trouve son fondement dans l’article 1467 du Code civil qui dispose que « la communauté dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n’étaient point entrés en communauté, s’ils existent en nature, ou les biens qui y ont été subrogés ». Ce texte pose le principe fondamental de la reprise des biens propres par chaque époux avant tout partage du patrimoine commun.

La jurisprudence de la Cour de cassation a précisé au fil du temps les contours de cette opération. Dans un arrêt fondamental du 18 décembre 2019, la première chambre civile a rappelé que « la liquidation du régime matrimonial doit porter sur l’ensemble des biens des époux, qu’ils soient communs ou propres ». Cette position confirme l’approche globale qui doit présider à toute liquidation.

Le cadre procédural de la liquidation est quant à lui défini par les articles 1361 à 1378 du Code de procédure civile. Ces textes organisent notamment l’intervention du notaire, qui joue un rôle central dans ce processus. En effet, l’article 1364 du CPC précise que « le notaire établit un projet d’état liquidatif qui contient, s’il y a lieu, le projet de partage ». La désignation du notaire peut intervenir soit par accord des parties, soit par décision judiciaire en cas de désaccord.

La réforme du divorce instaurée par la loi du 26 mai 2004 a modifié l’articulation entre la procédure de divorce et la liquidation. Désormais, le prononcé du divorce peut intervenir avant même que la liquidation ne soit achevée, ce qui a pour effet d’accélérer la procédure de divorce mais peut compliquer la résolution des questions patrimoniales.

Les principes directeurs qui gouvernent la liquidation sont l’égalité entre époux, la protection des intérêts de chacun et la recherche d’un équilibre dans la répartition des biens. Ces principes se traduisent notamment par des règles précises concernant la valorisation des biens, la prise en compte des récompenses et la détermination des créances entre époux.

Les Étapes Préalables à la Liquidation : Inventaire et Évaluation des Biens

Avant de procéder à la liquidation proprement dite, plusieurs opérations préparatoires s’avèrent indispensables. La première d’entre elles consiste à dresser un inventaire exhaustif du patrimoine des époux. Cet inventaire doit recenser l’ensemble des biens meubles et immeubles, mais aussi les dettes et créances existant à la date de dissolution du régime matrimonial.

L’établissement de cet inventaire peut s’avérer particulièrement complexe, notamment lorsque les relations entre les époux sont conflictuelles. Dans ce cas, le recours à un huissier de justice peut s’avérer nécessaire pour établir un inventaire contradictoire. La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé dans un arrêt du 30 septembre 2015 que « l’absence d’inventaire peut être sanctionnée par l’impossibilité pour l’époux fautif de se prévaloir de certains droits ».

Une fois l’inventaire établi, il convient de procéder à la qualification juridique des biens recensés. Cette opération consiste à déterminer, pour chaque bien, s’il s’agit d’un bien commun ou d’un bien propre appartenant à l’un ou l’autre des époux. Cette qualification s’effectue selon les règles posées par les articles 1401 à 1408 du Code civil.

La détermination de la nature des biens

Sont ainsi considérés comme biens communs les acquêts réalisés ensemble ou séparément durant le mariage, provenant tant de l’industrie personnelle des époux que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres. En revanche, demeurent propres les biens que les époux possédaient avant le mariage, ceux qu’ils reçoivent par succession ou donation durant le mariage, ainsi que les biens acquis à titre d’accessoire d’un bien propre ou par emploi ou remploi.

La question de la qualification peut soulever d’importantes difficultés pratiques. À titre d’exemple, l’article 1402 du Code civil pose une présomption de communauté pour tout bien dont la nature propre n’est pas établie. Cette présomption peut être renversée par la preuve contraire, laquelle peut être apportée par tous moyens.

La jurisprudence a précisé les modalités de cette preuve. Dans un arrêt du 27 mai 2010, la première chambre civile a ainsi jugé que « la preuve qu’un bien est propre peut résulter de tout acte ou document, même non contradictoire, établissant que ce bien a été acquis avant le mariage ou qu’il provient d’une succession ou d’une donation ».

L’évaluation des biens

Après avoir qualifié les différents biens, il est nécessaire de procéder à leur évaluation. Cette opération revêt une importance majeure car elle déterminera directement les droits de chaque époux dans le partage final. Le Code civil pose comme principe, à l’article 1469, que « la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant ».

Concernant la date d’évaluation, l’article 1574 du Code civil prévoit que les biens doivent être estimés à leur valeur au jour du partage. Toutefois, la jurisprudence a apporté des nuances importantes à ce principe. Dans un arrêt du 12 avril 2018, la première chambre civile a précisé que « lorsqu’un bien a été aliéné avant le partage, c’est sa valeur au jour de l’aliénation qui doit être prise en compte ».

Pour procéder à cette évaluation, le recours à des experts peut s’avérer nécessaire, notamment pour les biens immobiliers, les fonds de commerce ou encore les objets de valeur. Ces experts peuvent être désignés soit d’un commun accord entre les parties, soit par le juge en cas de désaccord.

  • L’inventaire doit être exhaustif et contradictoire
  • La qualification des biens détermine leur appartenance à la communauté ou à un époux
  • L’évaluation doit être réalisée à la date la plus proche du partage
  • Le recours à des experts peut être nécessaire pour certains biens spécifiques

Le Calcul des Récompenses et la Détermination des Créances Entre Époux

Une fois l’inventaire et l’évaluation des biens réalisés, l’étape suivante consiste à déterminer les récompenses dues à la communauté par les époux ou dues aux époux par la communauté. Les récompenses constituent un mécanisme de rééquilibrage destiné à compenser les transferts de valeur intervenus entre les différentes masses de biens pendant la durée du mariage.

L’article 1468 du Code civil pose le principe selon lequel « chaque époux a droit à récompense toutes les fois que son patrimoine propre a fourni des deniers pour une dépense n’entrant pas en communauté ». Réciproquement, la communauté a droit à récompense lorsqu’elle a financé une dépense relative à un bien propre d’un époux.

Les différents types de récompenses

Les situations donnant lieu à récompense sont nombreuses et variées. Parmi les plus fréquentes, on peut citer :

– Les récompenses dues à la communauté par un époux : lorsque des deniers communs ont servi à acquérir, conserver ou améliorer un bien propre, ou encore à payer une dette personnelle à un époux. Par exemple, lorsque la communauté finance des travaux d’amélioration dans un appartement propre à l’un des époux, ce dernier doit une récompense à la communauté.

– Les récompenses dues à un époux par la communauté : lorsque des deniers propres ont été employés pour acquérir, conserver ou améliorer un bien commun, ou pour payer une dette de la communauté. Ainsi, l’époux qui utilise une donation reçue de ses parents (bien propre) pour financer l’achat de la résidence principale du couple (bien commun) aura droit à une récompense.

La jurisprudence a précisé les modalités d’établissement des récompenses. Dans un arrêt du 20 février 2013, la première chambre civile a ainsi rappelé que « la preuve de la récompense incombe à celui qui la réclame et peut être rapportée par tous moyens ».

Le calcul des récompenses

Le mode de calcul des récompenses est défini par l’article 1469 du Code civil. Selon ce texte, la récompense est égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant au jour de la liquidation. Cette règle, qui peut paraître complexe, vise à éviter tout enrichissement injustifié.

Prenons un exemple concret : si la communauté a financé pour 50 000 euros de travaux dans une maison propre à l’époux, et que ces travaux ont augmenté la valeur de la maison de 70 000 euros, la récompense due par l’époux à la communauté sera de 50 000 euros (la plus faible des deux sommes). À l’inverse, si les mêmes travaux n’ont augmenté la valeur de la maison que de 30 000 euros, la récompense sera limitée à 30 000 euros.

La Cour de cassation a apporté d’importantes précisions sur l’application de cette règle. Dans un arrêt du 18 décembre 2019, elle a notamment jugé que « le profit subsistant s’apprécie à la date de la liquidation et non à celle de la dissolution du régime matrimonial ».

Les créances entre époux

Outre les récompenses, qui concernent les relations entre les patrimoines propres et la communauté, il convient également de déterminer les éventuelles créances existant directement entre les époux. Ces créances peuvent résulter notamment de prêts consentis par un époux à l’autre, ou encore de la gestion par un époux des biens propres de son conjoint.

L’article 1479 du Code civil dispose que « les créances personnelles que les époux ont à exercer l’un contre l’autre ne donnent pas lieu à prélèvement et ne portent intérêt que du jour de la sommation ». Cette règle traduit une certaine souplesse dans les relations financières entre époux pendant la durée du mariage.

La liquidation constitue donc l’occasion de dresser un bilan complet des créances réciproques entre époux. Ces créances doivent être prises en compte dans l’établissement du compte de liquidation et peuvent influencer significativement le résultat final du partage.

  • Les récompenses visent à rééquilibrer les transferts de valeur entre les différentes masses de biens
  • Leur calcul obéit à la règle du double plafond : dépense faite et profit subsistant
  • Les créances entre époux doivent être intégrées au compte de liquidation
  • La preuve des récompenses et créances peut être apportée par tous moyens

L’Établissement du Compte de Liquidation et le Partage des Biens Communs

Après avoir procédé à l’inventaire, à la qualification et à l’évaluation des biens, ainsi qu’au calcul des récompenses et créances, le notaire doit établir un compte de liquidation. Ce document constitue la synthèse de toutes les opérations précédentes et permet de déterminer les droits respectifs des époux dans la masse commune.

L’établissement du compte de liquidation suit une méthodologie précise, définie par la pratique notariale et encadrée par le Code civil. Ce compte comprend plusieurs étapes successives qui aboutissent à la détermination des droits de chaque époux.

La composition de la masse partageable

La première étape consiste à déterminer la masse partageable, c’est-à-dire l’ensemble des biens communs qui feront l’objet du partage. Cette masse comprend tous les biens qualifiés de communs, après déduction des dettes de la communauté envers les tiers.

Il convient de rappeler que les biens propres des époux ne font pas partie de cette masse partageable. Conformément à l’article 1467 du Code civil, chaque époux reprend ses biens propres avant toute opération de partage. Cette reprise s’effectue en nature lorsque les biens existent encore au jour de la liquidation, ou par équivalent lorsqu’ils ont été aliénés.

La jurisprudence a précisé les modalités de cette reprise. Dans un arrêt du 23 octobre 2013, la première chambre civile a ainsi jugé que « l’époux qui ne peut reprendre en nature un bien propre aliéné a droit à une indemnité égale à la valeur de ce bien au jour du partage ».

L’établissement de la balance des récompenses

Une fois la masse partageable déterminée, il convient d’établir la balance des récompenses. Cette opération consiste à comparer les récompenses dues à la communauté par chaque époux avec celles dues par la communauté à chaque époux.

Si les récompenses dues par un époux à la communauté excèdent celles que la communauté lui doit, cet époux devient débiteur envers la communauté du solde. À l’inverse, si les récompenses dues par la communauté à un époux sont supérieures à celles qu’il doit à la communauté, cet époux devient créancier de la communauté pour la différence.

L’article 1470 du Code civil prévoit que « les récompenses dues par la communauté ou à la communauté portent intérêts de plein droit du jour de la dissolution ». Cette disposition vise à prendre en compte le temps écoulé entre la dissolution du régime matrimonial et sa liquidation effective.

Le partage de l’actif net

Après avoir établi la balance des récompenses, il est possible de déterminer l’actif net de la communauté, c’est-à-dire la valeur totale des biens communs diminuée des dettes communes et des soldes de récompenses dus aux époux.

Conformément à l’article 1475 du Code civil, cet actif net est partagé par moitié entre les époux. Cette règle traduit le principe fondamental d’égalité qui caractérise le régime de la communauté légale.

Le partage peut s’effectuer soit en nature, soit en valeur. Le partage en nature consiste à attribuer à chaque époux des biens concrets pour une valeur correspondant à ses droits. Le partage en valeur implique quant à lui la vente des biens et la répartition du prix obtenu.

La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que le partage en nature doit être privilégié lorsqu’il est possible. Dans un arrêt du 16 avril 2008, la première chambre civile a ainsi jugé que « le partage doit être fait en nature dans la mesure où il est possible de constituer des lots d’égale valeur ».

L’attribution préférentielle

Dans certains cas, un époux peut demander à se voir attribuer certains biens communs par priorité. Ce mécanisme, appelé attribution préférentielle, est prévu par les articles 831 à 834 du Code civil.

L’attribution préférentielle peut notamment porter sur le logement familial, l’entreprise utilisée par l’un des époux pour l’exercice de sa profession, ou encore les meubles meublants garnissant ce logement.

Lorsque la valeur des biens attribués préférentiellement excède la part de l’époux attributaire, celui-ci doit verser une soulte à son conjoint. Cette soulte peut faire l’objet d’un paiement différé, notamment lorsqu’elle concerne le logement familial.

La jurisprudence a précisé les conditions d’application de ce mécanisme. Dans un arrêt du 30 avril 2014, la première chambre civile a notamment jugé que « l’attribution préférentielle du logement familial peut être accordée au conjoint survivant même s’il n’occupait pas effectivement ce logement au moment du décès, dès lors qu’il manifeste l’intention de s’y installer ».

  • Le compte de liquidation synthétise l’ensemble des opérations préalables
  • La masse partageable comprend uniquement les biens communs
  • L’actif net est partagé par moitié entre les époux
  • L’attribution préférentielle permet à un époux de recevoir certains biens par priorité

Les Défis Pratiques et Contentieux de la Liquidation Communautaire

La liquidation du régime de la communauté peut se heurter à diverses difficultés pratiques et donner lieu à d’importants contentieux. Ces complications sont d’autant plus fréquentes que les relations entre les époux sont conflictuelles, notamment dans le cadre d’un divorce.

Les praticiens du droit, avocats et notaires, doivent faire preuve d’une vigilance particulière face à ces écueils potentiels qui peuvent retarder considérablement la finalisation de la liquidation et engendrer des coûts supplémentaires pour les parties.

La dissimulation d’actifs

L’un des principaux défis de la liquidation réside dans le risque de dissimulation d’actifs par l’un des époux. Cette pratique, qui consiste à cacher l’existence de certains biens afin de les soustraire au partage, peut prendre diverses formes : comptes bancaires non déclarés, transferts de fonds vers des tiers, sous-évaluation volontaire de certains biens, etc.

Face à ce risque, les praticiens disposent de plusieurs outils. L’article 1477 du Code civil prévoit ainsi que « celui qui aurait diverti ou recelé quelques effets de la communauté est privé de sa portion dans lesdits effets ». Cette sanction sévère, connue sous le nom de recel de communauté, vise à dissuader toute tentative de fraude.

La jurisprudence a précisé les contours de cette notion. Dans un arrêt du 27 mars 2013, la première chambre civile a jugé que « le recel peut être caractérisé non seulement par la dissimulation de biens communs, mais aussi par la dissimulation d’informations relatives à ces biens ». Cette conception large permet de sanctionner efficacement les comportements frauduleux.

Pour détecter d’éventuelles dissimulations, les époux et leurs conseils peuvent recourir à diverses mesures d’investigation, telles que des expertises comptables, des enquêtes patrimoniales ou encore des réquisitions bancaires. Ces mesures peuvent être ordonnées par le juge dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire.

Les difficultés d’évaluation

L’évaluation des biens constitue une autre source majeure de difficultés. Les désaccords entre époux sur la valeur à attribuer à certains biens, notamment les biens immobiliers, les parts sociales ou encore les fonds de commerce, sont fréquents.

Ces désaccords peuvent conduire à la désignation d’un expert judiciaire chargé de procéder à une évaluation objective. L’article 1362 du Code de procédure civile prévoit que « le juge peut, pour l’établissement de l’état liquidatif, désigner un professionnel qualifié ».

La question de la date d’évaluation revêt également une importance particulière, notamment en période d’inflation ou de fluctuation importante des marchés immobiliers ou financiers. L’article 1574 du Code civil pose comme principe que les biens doivent être estimés à leur valeur au jour du partage, mais ce principe connaît diverses exceptions jurisprudentielles.

Dans un arrêt du 12 juin 2014, la première chambre civile a ainsi jugé que « lorsque la valeur d’un bien a varié entre la dissolution du régime matrimonial et le partage en raison des améliorations apportées par un époux, ce bien doit être évalué à la date la plus proche du partage, mais dans l’état où il se trouvait à la date de la dissolution ».

Les désaccords sur la qualification des biens

La qualification des biens en propres ou communs constitue une autre source fréquente de contentieux. Ces désaccords sont d’autant plus complexes à résoudre que la preuve du caractère propre d’un bien peut s’avérer difficile à rapporter, notamment en l’absence de documents probants.

L’article 1402 du Code civil pose une présomption de communauté pour tout bien dont la nature propre n’est pas établie. Cette présomption fait peser sur l’époux qui revendique le caractère propre d’un bien la charge de rapporter la preuve de cette qualification.

La jurisprudence a précisé les modalités de cette preuve. Dans un arrêt du 29 mai 2013, la première chambre civile a notamment jugé que « la preuve du caractère propre d’un bien peut être rapportée par tous moyens, y compris par témoignages ou présomptions ».

Les difficultés de qualification concernent particulièrement certaines catégories de biens, tels que les biens mixtes (acquis partiellement avec des fonds propres et partiellement avec des fonds communs), les plus-values réalisées sur des biens propres, ou encore les droits sociaux acquis par un époux durant le mariage.

Les obstacles procéduraux

La procédure de liquidation peut également se heurter à divers obstacles procéduraux. L’inertie de l’un des époux, qui refuse de participer activement aux opérations de liquidation ou de fournir les documents nécessaires, constitue un frein majeur.

Face à cette situation, l’article 1363 du Code de procédure civile permet au juge d’enjoindre à la partie récalcitrante de produire les documents nécessaires, sous peine d’astreinte. Cette mesure vise à garantir l’effectivité de la procédure de liquidation.

La prescription des actions liées à la liquidation constitue un autre obstacle potentiel. L’article 1578 du Code civil prévoit que « l’action en liquidation et partage se prescrit par trois ans à compter de la dissolution du régime matrimonial ». Toutefois, cette prescription peut être interrompue par diverses mesures, telles qu’une demande en justice ou un acte de partage partiel.

La Cour de cassation a apporté d’importantes précisions sur cette question. Dans un arrêt du 15 mai 2019, la première chambre civile a notamment jugé que « la prescription de l’action en partage ne court pas tant qu’il existe entre les indivisaires une cause légitime d’indivision ».

  • Le recel de communauté est sévèrement sanctionné par la privation des droits sur les biens dissimulés
  • L’évaluation des biens peut nécessiter l’intervention d’experts judiciaires
  • La qualification des biens s’appuie sur une présomption de communauté
  • Les obstacles procéduraux peuvent être surmontés par diverses mesures judiciaires

Perspectives et Stratégies pour une Liquidation Réussie

Face aux multiples défis que présente la liquidation d’un régime de communauté, il apparaît nécessaire de développer des approches stratégiques permettant de faciliter ce processus et d’en optimiser les résultats pour les parties concernées. Ces stratégies s’articulent autour de plusieurs axes complémentaires qui visent à prévenir les conflits, à accélérer les procédures et à préserver les intérêts de chacun.

L’anticipation par les conventions matrimoniales

La première stratégie consiste à anticiper les difficultés potentielles de liquidation dès la constitution du régime matrimonial, par le biais de conventions matrimoniales adaptées. L’article 1387 du Code civil consacre le principe de la liberté des conventions matrimoniales, permettant aux époux d’organiser par avance certains aspects de leur future liquidation.

Plusieurs clauses peuvent ainsi être intégrées au contrat de mariage pour faciliter la liquidation ultérieure :

– Les clauses de reprise en nature permettent à un époux de reprendre certains biens propres sans avoir à en justifier la propriété par des preuves formelles.

– Les clauses de répartition inégale des biens communs autorisent un partage autre que 50/50, ce qui peut s’avérer pertinent dans certaines situations familiales ou professionnelles.

– Les clauses d’attribution préférentielle conventionnelle étendent les possibilités d’attribution de certains biens à l’un des époux, au-delà des cas prévus par la loi.

– Les clauses de préciput permettent à un époux de prélever certains biens communs avant tout partage, ce qui peut s’avérer particulièrement utile en cas de décès.

La jurisprudence a validé ces différentes clauses, sous réserve qu’elles respectent les dispositions d’ordre public. Dans un arrêt du 17 janvier 2018, la première chambre civile a ainsi rappelé que « les époux peuvent, dans leur contrat de mariage, modifier les règles légales de liquidation de leur régime matrimonial, dès lors qu’ils ne portent pas atteinte aux règles d’ordre public ».

Les modes alternatifs de résolution des conflits

Face aux risques de contentieux inhérents à la liquidation, le recours aux modes alternatifs de résolution des conflits (MARC) apparaît comme une stratégie particulièrement pertinente. Ces mécanismes permettent d’éviter les longueurs et les coûts d’une procédure judiciaire tout en favorisant une solution mutuellement acceptable.

La médiation familiale, encadrée par les articles 131-1 à 131-15 du Code de procédure civile, offre aux époux la possibilité de négocier directement, avec l’aide d’un tiers qualifié, les modalités de leur liquidation. Cette démarche présente l’avantage de préserver le dialogue entre les parties et de faciliter ainsi l’exécution ultérieure des accords conclus.

Le processus collaboratif, plus récent dans le paysage juridique français, implique quant à lui un engagement des époux et de leurs avocats à rechercher une solution négociée, sans recourir au juge. Ce processus, encadré par la loi du 18 novembre 2016, peut s’avérer particulièrement adapté aux liquidations complexes nécessitant l’intervention de multiples professionnels (notaires, experts-comptables, etc.).

Enfin, l’arbitrage, désormais ouvert en matière familiale depuis un arrêt de la première chambre civile du 20 mars 2013, permet aux époux de confier la résolution de leur litige à un tiers choisi pour ses compétences spécifiques, notamment dans les domaines financiers ou immobiliers.

La liquidation anticipée partielle

Dans certaines situations, notamment lorsque la procédure de liquidation s’annonce longue et complexe, il peut être judicieux de procéder à une liquidation anticipée partielle. Cette approche consiste à régler prioritairement certains aspects de la liquidation, sans attendre une solution globale.

L’article 267 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 26 mai 2004, permet ainsi au juge du divorce de statuer sur les demandes de maintien dans l’indivision, d’attribution préférentielle ou d’avance sur part de communauté, sans attendre le règlement définitif de la liquidation.

Cette liquidation partielle peut notamment concerner le logement familial, dont l’attribution rapide à l’un des époux ou la vente peut s’avérer nécessaire pour des raisons pratiques ou financières. Elle peut également porter sur certains biens professionnels dont l’exploitation continue est indispensable à l’activité d’un époux.

La jurisprudence a précisé les conditions de cette liquidation partielle. Dans un arrêt du 28 octobre 2015, la première chambre civile a notamment jugé que « le juge du divorce peut ordonner la vente aux enchères d’un bien indivis dès lors que cette mesure apparaît nécessaire à la sauvegarde des intérêts des parties ».

L’optimisation fiscale de la liquidation

La dimension fiscale de la liquidation ne doit pas être négligée, car elle peut avoir un impact significatif sur le résultat final pour chaque époux. Plusieurs stratégies d’optimisation peuvent être envisagées, dans le respect des dispositions légales.

Concernant les droits d’enregistrement, l’article 748 du Code général des impôts prévoit que le partage de communauté consécutif à un divorce n’est soumis qu’à un droit fixe de 125 euros, au lieu du droit proportionnel de 2,5% normalement applicable. Cette exonération constitue un avantage fiscal significatif qu’il convient de préserver en structurant adéquatement les opérations de liquidation.

En matière d’impôt sur le revenu, la liquidation peut également soulever diverses questions, notamment concernant la taxation des plus-values réalisées lors de la cession de certains biens. L’article 150 U du CGI prévoit ainsi diverses exonérations, notamment pour la résidence principale, qu’il convient d’intégrer dans la stratégie de liquidation.

Enfin, la question de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) doit être prise en compte, notamment lorsque la liquidation intervient en cours d’année. La doctrine administrative prévoit que chaque époux est imposable, après divorce, sur les biens dont il est devenu propriétaire à l’issue du partage, ce qui peut nécessiter une anticipation particulière.

La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises l’importance de prendre en compte ces considérations fiscales. Dans un arrêt du 21 novembre 2018, la première chambre civile a ainsi jugé que « le notaire chargé de la liquidation d’un régime matrimonial est tenu d’un devoir de conseil qui s’étend aux conséquences fiscales des opérations qu’il réalise ».

  • Les conventions matrimoniales permettent d’anticiper les difficultés de liquidation
  • Les modes alternatifs de résolution des conflits favorisent des solutions négociées
  • La liquidation anticipée partielle peut répondre à des besoins urgents
  • L’optimisation fiscale constitue un enjeu majeur de la liquidation