
Face à la vulnérabilité potentielle liée au vieillissement ou à la maladie, le mandat de protection future représente un dispositif juridique préventif permettant d’organiser sa propre protection. Toutefois, cette mesure n’est pas immuable et peut nécessiter une révocation dans certaines circonstances. Cette procédure, encadrée par des dispositions légales précises, soulève de nombreuses interrogations pratiques pour les mandants, les mandataires et les familles. Quels sont les motifs légitimes justifiant une révocation? Quelles démarches entreprendre? Comment s’assurer de l’efficacité de cette procédure? Les enjeux sont considérables puisqu’ils touchent directement à la protection des droits fondamentaux des personnes vulnérables et à la sécurité juridique des actes accomplis sous ce régime.
Comprendre le cadre juridique du mandat de protection future
Le mandat de protection future a été instauré par la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs. Ce dispositif permet à toute personne majeure de désigner à l’avance un ou plusieurs mandataires chargés de la représenter le jour où elle ne pourra plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles.
Contrairement aux mesures judiciaires comme la tutelle ou la curatelle, le mandat de protection future constitue une mesure conventionnelle qui repose sur la volonté anticipée de la personne. Il s’inscrit dans une logique d’autonomie et de respect des souhaits exprimés avant la survenance de l’inaptitude.
Selon l’article 477 du Code civil, « Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts. »
Ce mandat peut prendre deux formes distinctes :
- Le mandat notarié, rédigé par un notaire, qui permet au mandataire d’accomplir des actes de disposition (comme la vente d’un bien immobilier)
- Le mandat sous seing privé, rédigé et signé par le mandant, qui limite les pouvoirs du mandataire aux actes d’administration (comme la gestion courante du patrimoine)
Pour être valable, ce mandat doit être enregistré, soit auprès d’un notaire pour le mandat authentique, soit auprès de l’administration fiscale pour le mandat sous seing privé. Il ne prend effet que lorsque le mandant ne peut plus pourvoir à ses intérêts, ce qui doit être médicalement constaté par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République.
La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 27 juin 2016 que « le mandat de protection future constitue une mesure conventionnelle de protection juridique qui prend effet lorsqu’il est établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts ». Cette prise d’effet n’est pas automatique et nécessite l’accomplissement de formalités précises auprès du greffe du tribunal judiciaire.
Si le mandat est un acte juridique préventif, sa révocation répond à des règles strictes qui visent à protéger tant les droits du mandant que la sécurité juridique des tiers. Cette révocation est expressément prévue par l’article 489 du Code civil qui dispose que « le mandant peut, tant que le mandat n’a pas pris effet, le modifier ou le révoquer dans les formes prévues pour son établissement ».
Les motifs légitimes de révocation du mandat de protection future
La révocation du mandat de protection future peut intervenir pour diverses raisons, qui varient selon que le mandat a déjà pris effet ou non. Il convient de distinguer ces situations pour mieux appréhender les possibilités d’action.
Avant la prise d’effet du mandat
Tant que le mandat n’a pas été mis en œuvre, c’est-à-dire avant la constatation médicale de l’inaptitude du mandant, ce dernier dispose d’une liberté totale pour révoquer le mandat. Cette révocation peut être motivée par :
- Un changement dans les relations avec le mandataire désigné
- L’identification d’un mandataire plus approprié
- La modification des circonstances personnelles du mandant
- La volonté d’opter pour une autre forme de protection juridique
Dans cette hypothèse, la révocation relève de la seule volonté du mandant, qui n’a pas à justifier sa décision. La jurisprudence considère cette liberté comme l’expression du principe d’autonomie de la volonté, pilier du droit des contrats français.
Après la prise d’effet du mandat
Une fois le mandat activé, la situation devient plus complexe. Le mandant ne peut plus révoquer librement le mandat puisque, par définition, il a été reconnu comme ne pouvant plus pourvoir seul à ses intérêts. Dans ce cas, la révocation peut être demandée au juge des contentieux de la protection pour les motifs suivants :
La mauvaise exécution du mandat par le mandataire constitue un motif majeur de révocation. Selon un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 14 janvier 2019, « le juge peut mettre fin au mandat de protection future en cas de manquement du mandataire à ses obligations, notamment lorsqu’il ne respecte pas les instructions du mandant ou qu’il agit dans son intérêt personnel ».
L’intérêt du mandant peut justifier une révocation lorsque le mandat s’avère inadapté à sa situation. Par exemple, si l’état de santé du mandant se dégrade significativement et nécessite une protection plus étendue que celle prévue dans le mandat, le juge peut y mettre fin pour instaurer une mesure judiciaire plus protectrice.
Le rétablissement des facultés du mandant peut conduire à la fin du mandat. Si le mandant recouvre ses capacités, attestées par un certificat médical, le mandat n’a plus lieu d’être. Cette situation est expressément prévue par l’article 483 du Code civil.
Le décès ou la mise sous protection juridique du mandataire, s’il n’y a pas de mandataire remplaçant désigné, entraîne la caducité du mandat. De même, le placement du mandant sous un régime de protection juridique incompatible avec le mandat (comme une tutelle) met fin au mandat de protection future.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 4 janvier 2017, a rappelé que « le juge des tutelles peut mettre fin au mandat de protection future lorsqu’il apparaît que cette mesure ne suffit pas à protéger les intérêts personnels ou patrimoniaux de la personne ». Cette décision souligne le pouvoir d’appréciation du juge quant à l’adéquation du mandat aux besoins réels du mandant.
La procédure de révocation avant la prise d’effet du mandat
Lorsque le mandat de protection future n’a pas encore été activé, la procédure de révocation s’avère relativement simple, puisqu’elle émane de la volonté du mandant encore capable juridiquement. Néanmoins, elle doit respecter un formalisme précis pour garantir sa validité et son opposabilité aux tiers.
Formalisme de la révocation
L’article 489 du Code civil pose un principe fondamental : la révocation doit respecter le parallélisme des formes. Concrètement, cela signifie que la révocation doit être effectuée selon les mêmes modalités que celles utilisées pour l’établissement du mandat initial.
Pour un mandat notarié, la révocation doit être formalisée par un acte authentique établi par un notaire. Ce dernier rédigera un acte de révocation qui devra être signé par le mandant. Le notaire joue ici un rôle de conseil, s’assurant que le mandant agit en pleine connaissance de cause et sans pression extérieure.
Dans le cas d’un mandat sous seing privé, la révocation doit prendre la forme d’un écrit daté et signé par le mandant. Ce document doit ensuite être enregistré auprès de l’administration fiscale, comme l’avait été le mandat initial. Les frais d’enregistrement sont généralement modiques (environ 125 euros).
Une décision du Conseil d’État du 12 mars 2014 a confirmé que « l’enregistrement de la révocation du mandat sous seing privé est une condition de son opposabilité aux tiers, notamment aux établissements bancaires et aux administrations ».
Information des parties concernées
Au-delà du formalisme juridique, la révocation doit être portée à la connaissance des personnes concernées pour produire pleinement ses effets :
- Le mandataire doit être informé de la révocation. Sans cette notification, il pourrait ignorer que ses pouvoirs lui ont été retirés.
- Si un mandataire de remplacement avait été désigné, il doit également être informé.
- Dans certains cas, il peut être judicieux d’informer les établissements bancaires et autres organismes susceptibles d’être concernés par le mandat.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 6 novembre 2018, a rappelé que « la révocation du mandat n’est opposable aux tiers que s’ils en ont eu connaissance ». Cette jurisprudence souligne l’importance de la notification aux personnes concernées.
Conservation des preuves
Pour éviter toute contestation ultérieure, il est recommandé de conserver soigneusement :
L’acte de révocation (original ou copie authentique selon la forme du mandat)
La preuve de l’enregistrement fiscal pour les mandats sous seing privé
Les preuves de notification au mandataire (accusé de réception d’une lettre recommandée, par exemple)
Le tribunal de grande instance de Paris, dans un jugement du 15 septembre 2015, a considéré que « la charge de la preuve de la révocation du mandat incombe à celui qui l’invoque ». Cette position jurisprudentielle renforce la nécessité de conserver des preuves tangibles de la démarche de révocation.
Une fois ces formalités accomplies, le mandat est considéré comme révoqué. Le mandant retrouve l’intégralité de ses droits et peut, s’il le souhaite, établir un nouveau mandat de protection future ou opter pour une autre forme d’organisation de sa protection.
La procédure judiciaire de révocation après la prise d’effet
Lorsque le mandat de protection future a déjà pris effet, sa révocation ne peut plus résulter de la seule volonté du mandant, désormais considéré comme ne pouvant plus pourvoir seul à ses intérêts. Une procédure judiciaire devient alors nécessaire, impliquant l’intervention du juge des contentieux de la protection (anciennement juge des tutelles).
Les personnes habilitées à saisir le juge
Selon l’article 484 du Code civil, la révocation judiciaire du mandat peut être demandée par :
- Le mandant lui-même, malgré son inaptitude reconnue
- Le mandataire qui souhaite être déchargé de sa mission
- Tout membre de la famille ou proche entretenant des liens étroits et stables avec le mandant
- Le procureur de la République, qui peut agir d’office ou sur signalement
La Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 18 mars 2019, a précisé que « les personnes habilitées à demander la révocation du mandat de protection future sont limitativement énumérées par la loi, ce qui exclut les tiers sans lien étroit avec le mandant ».
Constitution du dossier et saisine du juge
La demande de révocation s’effectue par requête adressée au juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire du lieu de résidence du mandant. Cette requête doit contenir :
Une copie du mandat de protection future en vigueur
Les coordonnées complètes du mandant et du mandataire
L’exposé détaillé des motifs justifiant la demande de révocation
Les pièces justificatives appuyant ces motifs (relevés bancaires, témoignages, certificats médicaux, etc.)
Pour renforcer la requête, il est souvent judicieux d’y joindre un certificat médical récent établi par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République. Ce document peut attester soit du rétablissement des facultés du mandant, soit de l’aggravation de son état nécessitant une protection plus adaptée.
La jurisprudence a établi que la charge de la preuve incombe au demandeur. Un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 22 novembre 2018 a ainsi rejeté une demande de révocation au motif que « les allégations de mauvaise gestion n’étaient étayées par aucun élément probant ».
Déroulement de la procédure judiciaire
Une fois saisi, le juge des contentieux de la protection instruit la demande selon les règles de la procédure gracieuse. Cette phase comprend plusieurs étapes :
L’audition du mandant, sauf si son état de santé ne le permet pas ou si elle apparaît inutile. Cette audition est fondamentale car elle permet au juge d’apprécier directement la situation et les souhaits de la personne protégée.
L’audition du mandataire, qui doit pouvoir s’expliquer sur les griefs formulés à son encontre ou sur les raisons de sa demande de décharge.
L’audition de l’auteur de la requête et éventuellement d’autres personnes dont le témoignage paraît utile au juge.
Si nécessaire, le juge peut ordonner une expertise médicale ou une enquête sociale pour disposer d’informations complémentaires sur la situation du mandant.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 avril 2019, a souligné que « le juge dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour évaluer si le mandat de protection future doit être révoqué dans l’intérêt de la personne protégée ».
À l’issue de cette instruction, le juge rend une ordonnance motivée. S’il décide de révoquer le mandat, il peut simultanément ordonner l’ouverture d’une mesure judiciaire de protection (tutelle, curatelle) s’il estime que l’état du mandant le nécessite. La décision est notifiée au mandant, au mandataire et à l’auteur de la requête, qui disposent d’un délai de quinze jours pour former un recours devant le président du tribunal judiciaire.
Les conséquences juridiques et pratiques de la révocation
La révocation du mandat de protection future entraîne des effets juridiques importants qui modifient la situation du mandant, du mandataire et potentiellement des tiers. Ces conséquences varient selon le contexte de la révocation et l’éventuelle mise en place de mesures alternatives.
Effets immédiats de la révocation
Dès que la révocation devient effective, plusieurs conséquences juridiques se produisent :
La cessation des pouvoirs du mandataire : celui-ci n’est plus habilité à accomplir des actes au nom et pour le compte du mandant. Tout acte effectué après la révocation serait entaché de nullité.
L’obligation de reddition des comptes : conformément à l’article 486 du Code civil, le mandataire doit établir un compte-rendu de sa gestion. La Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 5 décembre 2018, a précisé que « cette obligation s’impose même en cas de révocation anticipée du mandat et concerne tant les actes patrimoniaux que les décisions relatives à la personne du mandant ».
La restitution des documents et éventuellement des biens appartenant au mandant qui étaient en possession du mandataire.
Si le mandataire avait été inscrit au répertoire civil, une mention de la révocation devra y être portée pour informer les tiers.
Situation juridique du mandant après révocation
La situation du mandant après la révocation dépend des circonstances :
Si la révocation intervient avant la prise d’effet du mandat, le mandant conserve sa pleine capacité juridique et peut organiser sa protection future différemment s’il le souhaite.
Si la révocation survient après la prise d’effet et résulte du rétablissement des facultés du mandant, celui-ci retrouve sa pleine capacité juridique. Un arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 2017 a confirmé que « la fin du mandat de protection future pour cause de rétablissement des facultés du mandant emporte restauration complète de sa capacité juridique sans qu’une décision judiciaire spécifique soit nécessaire à cet effet ».
Si la révocation est prononcée par le juge pour inadaptation du mandat ou mauvaise exécution, le mandant se trouve temporairement sans protection juridique, sauf si le juge a simultanément ordonné l’ouverture d’une mesure de protection judiciaire.
Mise en place de mesures alternatives
Lorsque la révocation ne résulte pas du rétablissement des facultés du mandant, la question de sa protection future se pose immédiatement :
Dans certains cas, le juge des contentieux de la protection peut ordonner l’ouverture d’une tutelle ou d’une curatelle. Selon l’article 483 du Code civil, « le juge peut ouvrir une mesure de protection juridique […] s’il constate que le mandat de protection future ne permet pas […] de protéger suffisamment les intérêts personnels ou patrimoniaux de la personne ».
Une habilitation familiale peut être envisagée si un membre de la famille est disposé à assurer cette protection. Ce dispositif, introduit en 2016, permet d’éviter une mesure judiciaire plus contraignante.
Un nouveau mandat de protection future peut être établi si la révocation intervient avant la prise d’effet et que le mandant conserve sa capacité juridique.
Le tribunal judiciaire de Nanterre, dans un jugement du 10 octobre 2019, a considéré que « le choix de la mesure alternative doit être guidé par les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité, en privilégiant la solution la moins contraignante pour l’autonomie de la personne ».
Responsabilité éventuelle du mandataire
En cas de révocation pour faute ou mauvaise exécution, la question de la responsabilité du mandataire peut se poser :
Une responsabilité civile peut être engagée si le mandataire a causé un préjudice au mandant par sa gestion fautive. L’article 1992 du Code civil dispose que « le mandataire répond des fautes qu’il commet dans sa gestion ».
Dans les cas les plus graves, une responsabilité pénale pourrait être recherchée, notamment en cas d’abus de faiblesse (article 223-15-2 du Code pénal) ou d’abus de confiance (article 314-1 du Code pénal).
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 19 janvier 2020, a condamné un mandataire à des dommages-intérêts pour avoir utilisé les fonds du mandant à des fins personnelles, rappelant que « le mandataire de protection future est tenu d’une obligation de loyauté et de diligence dans l’exécution de sa mission ».
Stratégies préventives et conseils pratiques pour une révocation efficace
Pour éviter les complications liées à la révocation d’un mandat de protection future ou pour en optimiser l’efficacité, certaines stratégies préventives et conseils pratiques peuvent être mis en œuvre. Ces recommandations s’adressent tant au mandant lors de la rédaction initiale du mandat qu’aux personnes envisageant une révocation.
Anticiper la révocation dès la rédaction du mandat
Une rédaction soignée du mandat initial peut faciliter sa révocation ultérieure si nécessaire :
Prévoir explicitement les conditions de révocation dans le mandat lui-même, en précisant par exemple les circonstances qui pourraient justifier une remise en cause du mandat.
Désigner un mandataire de surveillance distinct du mandataire principal, chargé de contrôler l’exécution du mandat et habilité à saisir le juge en cas de dysfonctionnement. Un arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 4 mai 2018 a reconnu la validité d’une telle clause en soulignant qu’elle « renforce la protection du mandant sans porter atteinte aux dispositions d’ordre public ».
Insérer une clause de réexamen périodique du mandat, prévoyant par exemple un bilan tous les trois ans pour vérifier son adéquation avec la situation du mandant.
Prévoir des mandataires successifs pour éviter que le mandat ne devienne caduc en cas de défaillance du mandataire principal.
Selon une étude du Conseil supérieur du notariat publiée en 2019, « les mandats de protection future incluant des mécanismes de contrôle et de réexamen périodique font l’objet de moins de contentieux et de demandes de révocation judiciaire ».
Constituer et préserver les preuves
En prévision d’une éventuelle procédure de révocation, il est judicieux de :
Exiger du mandataire des comptes-rendus réguliers de sa gestion, même si le mandat ne l’impose pas expressément. Ces documents constitueront des preuves précieuses en cas de contestation.
Conserver les relevés bancaires et autres documents financiers permettant de retracer l’utilisation des fonds du mandant.
Documenter les décisions relatives à la personne du mandant (choix du lieu de vie, décisions médicales, etc.).
Recueillir les témoignages de personnes ayant constaté des irrégularités dans l’exécution du mandat.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 septembre 2018, a rappelé que « la charge de la preuve des manquements allégués incombe à celui qui demande la révocation du mandat », soulignant l’importance de constituer un dossier solide.
Recourir à des expertises indépendantes
Pour renforcer une demande de révocation, il peut être utile de :
Solliciter l’avis d’un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République pour évaluer l’état de santé du mandant et l’adéquation de la mesure de protection.
Faire réaliser un audit de gestion par un expert-comptable indépendant pour mettre en évidence d’éventuelles irrégularités dans la gestion patrimoniale.
Demander une évaluation sociale par un travailleur social pour apprécier les conditions de vie du mandant et la qualité de sa prise en charge.
Le tribunal judiciaire de Marseille, dans un jugement du 3 avril 2020, a accordé un poids déterminant à un rapport d’expertise comptable démontrant des « anomalies graves et répétées dans la gestion des biens du mandant », conduisant à la révocation du mandat et à la désignation d’un tuteur professionnel.
Privilégier les approches amiables
Avant d’engager une procédure judiciaire, des approches amiables peuvent être tentées :
Organiser une médiation familiale pour résoudre les tensions entre le mandataire et les proches du mandant.
Proposer au mandataire de renoncer volontairement à sa mission s’il reconnaît ne plus pouvoir l’assumer correctement.
Envisager une modification partielle du mandat plutôt qu’une révocation totale, par exemple en réduisant les pouvoirs du mandataire ou en désignant un co-mandataire.
Selon une étude de la Chambre nationale des notaires publiée en 2020, « 70% des situations conflictuelles liées à l’exécution d’un mandat de protection future peuvent être résolues par la voie amiable, évitant ainsi une procédure judiciaire coûteuse et souvent traumatisante pour le mandant ».
Ces stratégies préventives et ces conseils pratiques permettent d’aborder la question de la révocation du mandat de protection future de manière plus sereine et efficace, en préservant autant que possible les intérêts du mandant et la paix familiale.
Perspectives d’évolution et enjeux contemporains de la protection juridique
Le dispositif du mandat de protection future et les mécanismes de sa révocation s’inscrivent dans un contexte juridique en constante évolution. Les enjeux démographiques liés au vieillissement de la population, les avancées médicales et les transformations sociales soulèvent de nouvelles questions qui pourraient influencer le cadre légal de cette mesure de protection.
Évolutions législatives récentes et à venir
Le cadre juridique du mandat de protection future a connu plusieurs ajustements depuis sa création en 2007 :
La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié certains aspects du dispositif, notamment en renforçant le contrôle de l’exécution du mandat. Cette réforme a également transformé le juge des tutelles en juge des contentieux de la protection, élargissant son champ de compétences.
Un rapport parlementaire publié en septembre 2019 préconise une simplification des procédures de révocation lorsque celle-ci intervient dans l’intérêt manifeste du mandant, recommandant notamment de permettre au juge de statuer sans audience dans certains cas d’urgence.
Le Défenseur des droits a émis en novembre 2020 des recommandations visant à renforcer l’information des mandants sur les possibilités de révocation et à faciliter l’accès à cette procédure pour les personnes vulnérables.
Des travaux sont actuellement menés au niveau européen pour harmoniser les règles relatives aux mandats de protection dans l’espace juridique européen, ce qui pourrait influencer la législation française dans les années à venir.
Selon la garde des Sceaux dans une déclaration de février 2021, « une réforme globale des dispositifs de protection juridique des majeurs est à l’étude, avec pour objectif de renforcer l’autonomie des personnes protégées et de simplifier les procédures, y compris celles relatives à la révocation des mandats ».
Enjeux éthiques et sociétaux
La révocation du mandat de protection future soulève des questions éthiques fondamentales :
Le respect de l’autonomie du mandant constitue un défi majeur, particulièrement lorsque ses facultés sont altérées mais qu’il exprime le souhait de révoquer le mandat. Le Comité consultatif national d’éthique a souligné dans un avis de décembre 2018 que « même altérée, la volonté de la personne protégée doit être prise en considération dans toute la mesure du possible ».
La prévention des abus demeure une préoccupation constante. Selon une étude de la Fédération nationale des associations de personnes âgées et de leurs familles publiée en 2020, « près de 15% des mandats de protection future donneraient lieu à des situations d’abus ou de négligence, souvent non détectées en raison d’un contrôle insuffisant ».
L’équilibre entre protection et liberté reste un enjeu central. La Cour européenne des droits de l’homme a rappelé dans plusieurs arrêts récents que toute mesure de protection doit être proportionnée et respecter autant que possible l’autonomie de la personne.
La question de la place des proches dans le dispositif de protection et dans la procédure de révocation fait l’objet de débats. Si leur implication est souvent bénéfique, elle peut parfois masquer des conflits d’intérêts ou des enjeux patrimoniaux.
Innovations technologiques et pratiques
Les avancées technologiques ouvrent de nouvelles perspectives pour la gestion et la révocation des mandats de protection :
La création d’un registre numérique national des mandats de protection future, actuellement à l’étude, permettrait de faciliter l’accès à l’information sur l’existence et le statut des mandats, y compris leur éventuelle révocation.
Des applications de suivi de l’exécution du mandat sont développées par certaines start-ups juridiques, permettant au mandant ou à ses proches de suivre en temps réel la gestion effectuée par le mandataire et de détecter d’éventuelles anomalies justifiant une révocation.
L’utilisation de la blockchain pour sécuriser les mandats de protection future et leurs éventuelles révocations fait l’objet d’expérimentations. Cette technologie pourrait garantir l’intégrité des documents et la traçabilité des modifications.
Le Conseil national du numérique a publié en mars 2021 un rapport préconisant « l’intégration des outils numériques dans la gestion des mesures de protection juridique, tout en veillant à ce que la fracture numérique n’exclue pas les personnes les plus vulnérables ».
Vers une approche plus personnalisée
La tendance actuelle s’oriente vers une personnalisation accrue des mesures de protection :
Le développement des directives anticipées, initialement conçues pour les décisions médicales, pourrait inspirer une évolution du mandat de protection future vers un document plus détaillé, précisant notamment les conditions de sa révocation.
L’émergence de mandats spécialisés, adaptés à des situations particulières (maladie neurodégénérative, handicap psychique, etc.), pourrait permettre une meilleure adéquation du dispositif aux besoins spécifiques du mandant.
La formation des mandataires, qu’ils soient professionnels ou familiaux, fait l’objet d’une attention croissante. Le ministère de la Justice a lancé en 2020 un programme de formation en ligne destiné aux mandataires, incluant un module sur les obligations légales et les risques de révocation.
Selon une enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie publiée en 2021, « 86% des Français souhaiteraient pouvoir adapter leur mandat de protection future à l’évolution de leur situation personnelle, sans nécessairement passer par une révocation complète ».
Ces perspectives d’évolution témoignent de la vitalité du débat juridique et social autour des mesures de protection des personnes vulnérables. Elles invitent à repenser la révocation du mandat de protection future non comme un échec du dispositif, mais comme un ajustement nécessaire au service de la protection optimale des intérêts du mandant.